
L'économie sociale et solidaire c'est quoi ?
🌱 L’économie sociale et solidaire (ESS)
Ou comment remettre l’humain au centre de la proposition de valeur
Imagine un monde où l’entreprise ne serait pas uniquement un outil pour enrichir quelques actionnaires, mais un levier pour résoudre des problèmes sociaux, environnementaux et humains.
Ce monde existe déjà. Il s’appelle l’économie sociale et solidaire.
🔍 Qu’est-ce que l’économie sociale et solidaire ?
L’ESS désigne un ensemble d’organisations et d’activités économiques qui poursuivent une finalité sociale ou collective, tout en s’inscrivant dans une logique économique viable.
Elle regroupe notamment :
les associations
les coopératives
les mutuelles
les fondations
les entreprises sociales
👉 Leur point commun : le projet prime sur le profit.
🎯 Les objectifs de l’économie sociale et solidaire
1️⃣ Répondre à des besoins sociaux non couverts
Logement, santé, insertion professionnelle, éducation, écologie, inclusion…
2️⃣ Créer une économie plus équitable
réduction des inégalités
partage de la valeur créée
accès à l’emploi pour les publics fragilisés
3️⃣ Redonner du pouvoir aux citoyens
Dans l’ESS, la gouvernance est souvent démocratique : 1 personne = 1 voix.
⚖️ Les principes fondateurs de l’ESS
🧩 1. La primauté de l’humain sur le capital
Le pilier central, le cœur battant de l’ESS ❤️
Dans l’économie sociale et solidaire, l’argent n’est pas le patron.
Le patron, c’est :
l’humain
le collectif
le projet
l’impact réel sur la société
L’argent ?
👉 Un carburant, pas un dieu à vénérer.
💰 Dans l’économie classique : le capital commande
Dans le modèle dominant :
le capital est investi
il exige une rentabilité maximale
les décisions sont prises en fonction du retour sur investissement
Conséquences (tu les connais) :
licenciements “stratégiques”
délocalisations
pression permanente sur les travailleurs
destruction de l’environnement
bullshit jobs 🤡
👉 L’humain devient une variable d’ajustement.
🧠 Dans l’ESS : le capital obéit
Dans l’ESS, la logique est inversée 🔄
On se pose d’abord ces questions :
Quel problème humain voulons-nous résoudre ?
Pour qui créons-nous de la valeur ?
Quel impact social ou environnemental recherchons-nous ?
Ensuite seulement :
👉 Combien d’argent est nécessaire pour servir ce projet ?
⚖️ Concrètement, ça change quoi ?
1️⃣ Les décisions ne sont pas dictées par les investisseurs
Dans beaucoup de structures ESS :
pas d’actionnaires spéculateurs
pas de pression pour “faire x10 en 18 mois”
Résultat :
vision long terme
stabilité
cohérence valeurs / actions
2️⃣ Les personnes passent avant les profits
Exemples très concrets :
priorité à l’emploi local
conditions de travail dignes
accompagnement des publics fragilisés
attention à la santé mentale
👉 Le salarié n’est pas un “coût”, mais une richesse vivante.
3️⃣ Les bénéfices sont au service du projet
Quand une structure ESS génère un excédent :
🔄 il est réinvesti
📚 il sert à améliorer les services
👥 il renforce l’impact social
🌱 il finance l’innovation utile
👉 Pas de Lamborghini pour le PDG, mais plus d’impact collectif 🚲😉
🗳 2. Une gouvernance démocratique
Dans l’économie sociale et solidaire, le pouvoir ne dépend pas de la taille du portefeuille mais de l’implication des personnes. La gouvernance démocratique repose sur un principe simple et puissant : une personne = une voix, quel que soit le capital apporté. Cela signifie que les décisions stratégiques ne sont pas confisquées par quelques investisseurs, mais débattues collectivement par les membres, salariés, bénéficiaires ou sociétaires.
Concrètement, cette gouvernance favorise la transparence, la responsabilité et l’intelligence collective. Elle limite les dérives autoritaires, renforce l’adhésion au projet et aligne les décisions avec la mission sociale. Résultat : des organisations plus résilientes, plus humaines, où chacun se sent acteur plutôt que simple exécutant.
🔄 3. Une lucrativité limitée
Dans l’économie sociale et solidaire, le but n’est pas de supprimer le profit, mais de l’empêcher de devenir une fin en soi. La lucrativité est dite « limitée » car les excédents financiers ne servent pas à enrichir une minorité, mais à consolider et développer le projet collectif. Autrement dit, on peut gagner de l’argent, mais on ne gagne pas contre les autres.
Concrètement, cela signifie que les bénéfices sont en grande partie réinvestis dans la mission sociale : amélioration des services, création d’emplois, innovation utile, accompagnement des bénéficiaires. Cette règle protège l’organisation des dérives spéculatives et garantit que la croissance reste alignée avec les valeurs fondatrices. Ici, l’argent est un moyen de durer et d’amplifier l’impact, pas un trophée personnel.
🤝 4. L’utilité sociale et la solidarité
L’utilité sociale est le pourquoi profond de l’économie sociale et solidaire. Une organisation ESS n’existe pas d’abord pour occuper un marché, mais pour répondre à un besoin réel, souvent ignoré ou mal traité par l’économie classique : inclusion sociale, accès à l’emploi, lutte contre la précarité, transition écologique, éducation, santé, lien social. La performance ne se mesure donc pas uniquement en chiffres financiers, mais aussi en impact positif sur la vie des personnes.
La solidarité complète cette logique en rappelant que la réussite n’est jamais purement individuelle. Dans l’ESS, on avance ensemble : les plus forts soutiennent les plus fragiles, les ressources sont mutualisées, et les décisions tiennent compte des conséquences sur l’ensemble de la communauté. Cette approche crée des modèles plus résilients, plus humains, où la coopération remplace la compétition aveugle, et où l’économie redevient un outil au service du bien commun.
🌍 5. L’ancrage territorial et la durabilité
L’ancrage territorial signifie que les organisations de l’économie sociale et solidaire agissent au plus près des réalités locales. Elles ne sont pas pensées pour être délocalisées au gré des coûts ou des opportunités financières, mais pour répondre à des besoins concrets d’un territoire : emploi local, services de proximité, dynamisation économique, lien social. Cet enracinement favorise des circuits courts, une meilleure connaissance des publics concernés et une économie qui profite directement à la communauté.
La durabilité complète naturellement cette logique. Dans l’ESS, on ne cherche pas une croissance rapide et fragile, mais une pérennité à long terme, respectueuse des personnes et de l’environnement. Les décisions sont prises en tenant compte de leurs impacts futurs : écologiques, sociaux et économiques. Cette vision responsable permet de construire des modèles plus résilients, capables de traverser les crises sans sacrifier ni l’humain ni la planète.
🕰️ Origines et histoire de l’ESS
📜 XIXᵉ siècle – les racines
La naissance de l’économie sociale et solidaire remonte au début du XIXᵉ siècle, en pleine révolution industrielle. À partir des années 1800–1830, l’industrialisation massive en Europe provoque une paupérisation extrême des classes ouvrières : journées de travail de 12 à 16 heures, travail des enfants, absence totale de protection sociale. Face à cette situation, les travailleurs commencent à s’auto-organiser pour survivre et préserver leur dignité.
En 1844, un événement fondateur marque l’histoire de l’ESS : la création de la coopérative des Pionniers de Rochdale, en Angleterre. Ces ouvriers posent des principes révolutionnaires pour l’époque : gestion démocratique, transparence, partage équitable des bénéfices. Ces principes deviendront plus tard la base du mouvement coopératif mondial.
Dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle (1850–1900), les mutuelles ouvrières et les sociétés de secours mutuel se développent massivement en France, en Belgique et en Allemagne. Elles permettent aux travailleurs de se protéger collectivement contre la maladie, les accidents et la vieillesse, bien avant la création des États-providence.
📈 XXᵉ siècle – structuration
Le XXᵉ siècle marque une phase de structuration et de reconnaissance progressive de l’économie sociale. Après la Première Guerre mondiale (1914–1918), les associations, coopératives et mutuelles jouent un rôle clé dans la reconstruction économique et sociale de l’Europe, en réponse aux besoins urgents des populations.
Un tournant majeur a lieu après la Seconde Guerre mondiale (1945) avec la mise en place des grands systèmes de sécurité sociale (France : 1945, Belgique : 1944). Les mutuelles et coopératives deviennent alors des partenaires essentiels des politiques publiques, tout en conservant leur gouvernance démocratique.
Dans les années 1970–1980, face aux chocs pétroliers (1973, 1979) et à la montée du chômage de masse, l’ESS se développe dans les domaines de l’insertion par l’activité économique, du logement social et de l’économie locale. Le terme « économie sociale » se diffuse largement en Europe à partir des années 1980.
⚡ XXIᵉ siècle – renouveau
Depuis le début du XXIᵉ siècle, l’économie sociale et solidaire connaît un renouveau important, porté par les crises systémiques. La crise financière de 2008 agit comme un électrochoc mondial, révélant les limites du capitalisme financier et redonnant de la visibilité aux modèles économiques fondés sur l’utilité sociale.
Dans les années 2010, l’ESS est officiellement reconnue dans plusieurs pays. En France, la loi ESS de 2014 donne un cadre juridique clair au secteur et reconnaît son rôle dans le développement économique et social. À l’échelle internationale, l’OCDE et l’Union européenne intègrent l’ESS dans leurs stratégies de développement durable.
Aujourd’hui, face aux crises climatiques, sociales et démocratiques (pandémie de 2020, urgence climatique, explosion des inégalités), l’ESS apparaît comme un laboratoire de solutions concrètes : circuits courts, économie circulaire, finance éthique, gouvernance participative. Elle ne se positionne plus comme une alternative marginale, mais comme un pilier crédible de l’économie de demain.
❓ Pourquoi l’ESS est plus pertinente que jamais ?
crise du sens au travail
inégalités croissantes
urgence climatique
épuisement des modèles économiques classiques
👉 L’ESS pose une question simple mais radicale : À quoi sert ce que nous produisons ?
🧠 Biais cognitifs fréquents sur l’ESS
L’un des biais les plus répandus consiste à affirmer que « l’ESS n’est pas rentable ». Ce raisonnement repose sur une confusion entre rentabilité maximale à court terme et viabilité économique à long terme. Les structures de l’ESS ne cherchent pas une croissance rapide dictée par des exigences financières externes, mais une rentabilité suffisante pour durer, créer de l’emploi et remplir leur mission sociale. De nombreuses coopératives et mutuelles, parfois centenaires, démontrent qu’un modèle économique stable, moins spéculatif et plus résilient peut être non seulement viable, mais durablement performant.
Un second biais fréquent est de considérer que « l’ESS est amateur ». Cette idée associe à tort finalité sociale et manque de professionnalisme. En réalité, les organisations de l’ESS sont souvent soumises à des exigences de gestion, de transparence et de contrôle plus strictes que les entreprises classiques, notamment lorsqu’elles gèrent des fonds publics ou mutualisés. Budgets complexes, cadres juridiques précis, évaluation de l’impact social : l’ESS requiert des compétences élevées et une rigueur constante. Le professionnalisme n’y est pas optionnel, il est indispensable à la crédibilité du projet.
Enfin, le biais selon lequel « l’ESS est anti-argent » repose sur une vision binaire et simpliste. L’ESS ne rejette pas l’argent, elle en redéfinit le rôle. L’argent y est un moyen au service d’un projet collectif, et non une fin en soi. Il sert à sécuriser les emplois, financer l’innovation utile et renforcer l’impact social. Ce qui est remis en question, ce n’est pas la création de richesse, mais son accumulation déconnectée de toute utilité humaine ou sociale.
Pris ensemble, ces trois biais traduisent une difficulté plus profonde à imaginer qu’une autre hiérarchie des priorités économiques est possible. L’ESS ne nie pas l’économie ni la nécessité de l’argent ; elle propose simplement un cadre où la performance se mesure aussi à l’aune du sens, de l’impact et de la contribution au bien commun.
👉 Faux. L’ESS propose simplement un autre rapport à l’argent.
🌍 Situation internationale de l’ESS : poids réel dans l’économie mondiale (hors spéculation)
À l’échelle mondiale, l’économie sociale et solidaire (ESS) représente aujourd’hui une part significative de l’économie réelle, bien que encore imparfaitement mesurée. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), les coopératives et mutuelles fournissent environ 100 millions d’emplois directs dans le monde, ce qui place l’ESS parmi les plus grands employeurs globaux, loin devant de nombreux secteurs industriels classiques.
En Europe, où les données sont les plus consolidées, l’ESS représente environ 6 à 8 % de l’emploi total selon les pays, soit plus de 11 millions de travailleurs. Elle est fortement présente dans des secteurs non spéculatifs : santé, action sociale, assurance, agriculture, logement, éducation et finance mutualiste. Ces activités produisent des biens et services essentiels, ancrés dans l’économie réelle, et peu exposés à la spéculation financière.
En Amérique latine, en Afrique et dans une grande partie de l’Asie, l’ESS joue un rôle encore plus stratégique : elle constitue souvent un socle de subsistance, d’inclusion économique et de résilience locale. Coopératives agricoles, systèmes de finance solidaire, mutuelles communautaires et organisations populaires y structurent une large part de l’activité économique quotidienne, même si celle-ci reste partiellement invisible dans les statistiques officielles.
À l’échelle mondiale, l’ESS se distingue par sa faible exposition à la spéculation financière. Elle fonctionne majoritairement sur des logiques de réinvestissement, de mutualisation et de long terme. Contrairement aux flux financiers spéculatifs, qui représentent plusieurs dizaines de fois le PIB mondial, l’ESS produit une valeur directement liée à l’emploi, aux services rendus et à l’impact social mesurable.
Cette réalité explique pourquoi l’ONU, l’OIT, l’OCDE et l’Union européenne reconnaissent désormais l’ESS comme un levier clé du développement durable, du travail décent et de la cohésion sociale. En 2024, l’Assemblée générale des Nations unies a officiellement inscrit l’économie sociale et solidaire dans ses stratégies de développement, marquant un tournant politique majeur.
En résumé, même si elle reste sous-évaluée statistiquement, l’ESS représente déjà une part structurante de l’économie mondiale hors spéculation : une économie de la production utile, de l’emploi réel et de la stabilité. Elle ne remplace pas l’économie dominante, mais en constitue aujourd’hui l’un des piliers les plus résilients et les plus durables.
📚 Ressources
Loi ESS (France, 2014)
OCDE – Social Economy and Innovation
CIRIEC
Jean-Louis Laville – L’économie solidaire
Karl Polanyi – La grande transformation